Agent secret : de l'anonymat à une chaîne YouTube
L'espion est un métier de secret et de mensonge. Olivier Mas, ancien agent secret à la DGSE pendant 15 ans, a réussi à en parler au grand public à travers une chaîne YouTube, "Talks with a spy".
Pourquoi avoir créé une chaîne YouTube sur le métier d'espion ?
Il n’existait pas de chaîne qui parle de l'espionnage et je trouvais que ça manquait. Tout en restant dans les limites autorisées par la loi, c'est-à-dire je sais ce que je ne dois pas dire, je pense qu'on pouvait dire plein de choses sur le renseignement et qu'il y avait une voix pour ça. pour démystifier, pour raconter ce qu’est le renseignement réellement.
Avez-vous dû demander l'autorisation à la DGSE avant de la créer ?
Si je leur avais demandé, ils m'auraient dit non. Je les ai mis sur le fait accompli d'une manière un peu cavalière. Mais j'ai créé un site Internet dès le début pour expliquer ma démarche et les rassurer en disant que je ne dévoilerai pas de secret. Je ne suis pas là pour faire des révélations fracassantes. Ils ont tout de suite vu qu'il n'y avait pas de problème. Là, où ça a été plus compliqué, c'est avec la sortie de mon livre "Profession espion". J'ai du leur envoyer le manuscrit à l'avance. On a fait des allers-retours pour apporter des corrections en fonction de leurs demandes.
De quoi parlez-vous sur votre chaine "Talks with a spy" ?
J'ai déjà une vingtaine de sujets différents. La vidéo qui a le mieux marché parle des cinq meilleurs service de renseignement dans le monde. J'ai aussi fait une vidéo sur les qualités du bon espion et, plus récemment sur le cyberespionnage. Il y a aussi plein d'autres thèmes sur les relations internationales ou des thèmes de réflexion morale comme comment bien mentir ou encore la question de la torture sur les terroristes. Dans ce secteur, beaucoup de sujets de sont pas forcément secrets mais mon avis peut être intéressant étant donné mes 15 ans de service à la DGSE.
Quels sont vos objectifs ?
Mon objectif, c'est de montrer une image débarrassée des poncifs. Même si la DGSE a fait des efforts de communication, ça reste quand même une communication institutionnalisée, donc assez formatée. C'est très désagréable de récupérer parfois des nouveaux agents qui arrivent avec une fausse idée. On les forme puis, au bout de deux ans, ils ne sont pas heureux, font un mauvais travail et démissionnent. J'avais envie de présenter autre chose. Une de mes grandes satisfactions, c'est d'apprendre que des agents actuels de la DGSE répondent à ceux qui s'interrogent sur le métier d'espion d'aller voir "Talks with a spy". Si les gens viennent voir mes vidéos et qu'ils ont toujours envie de rejoindre la DGSE après ça, je pense qu'ils le feront pour de bonnes raisons. Ils ne vont pas se faire des films et ils seront confrontés à quelque chose qui ressemble à peu près à la réalité.
Pourquoi sortir un livre sur l'espionnage en parallèle de vos vidéos sur YouTube ?
Ecrire un livre était mon objectif depuis le départ. A l'origine, je voulais sortir un roman mais c'est plus compliqué. En tout cas, j'avais l'idée au départ de faire un livre sur la clandestinité, la légende, le montage d’une couverture au travers des exemples historiques mélangés à ma propre expérience. C'est un éditeur qui m'a proposé de faire un livre témoignage et c'est comme ça que j'en suis venu à raconter mes premières années à la DGSE. C'est un témoignage sincère dans lequel je mets en avant certains de mes défauts, mes difficultés et aussi un peu de vie intime.
Pourquoi un livre ? Parce qu'en France, la publication écrite et la publication vidéo sont deux moyens de communication différents. Avec le livre, il y a le prestige du papier et la confiance de l'éditeur. Et puis, il y a la satisfaction de l’ego : en espionnage, on joue souvent sur l’ego. Ca me fait plaisir d'avoir cette couverture !