Benoît Peyrucq, dessinateur au procès des attentats de 2015
A l’occasion du procès des attentats de janvier 2015, nous avons rencontré le dessinateur Benoît Peyrucq qui assiste aux événements. Il nous raconte son métier si particulier : illustrer un procès à travers des croquis. (Clique sur la photo ☝️ pour voir la vidéo)
Carnet de croquis dans une main, stylo prêt à l’emploi dans l’autre, Benoît Peyrucq n’est pas difficile à repérer malgré la foule qui se presse pour sortir déjeuner. C’est dans le hall immaculé de blanc du Tribunal de Justice de Paris que le dessinateur d’audience nous a donné rendez-vous. Il dispose de quelques minutes seulement avant de repartir croquer le procès des attentats de 2015. Pourtant, souriant, avenant et passionné, Benoît Peyrucq se laisse vite emporté par la joie de partager son métier.
« Parfois, mes dessins sont les seules images de procès importants. »
Si le dessin est aussi primordial dans le milieu de la justice, c’est parce qu’il s’agit du seul moyen d’illustrer en image un procès. Les photos et les vidéos sont interdites pendant une audience depuis 1954 pour préserver la sérénité des débats et le travail de la justice. « Il m’est arrivé d’être le seul dessinateur dans un procès important. Mes dessins sont les seules images qu’il reste de ces moments, les seuls vestiges d’une époque passée. » En attendant de pouvoir les dévoiler, il garde précieusement ses croquis dans des cartons. Il les sort parfois pour des occasions particulières comme la publication d’un livre sur le procès de Mohamed Merah, « Chronique d’un procès du terrorisme » (Editions la Martinière).
Le dessin de prétoire n’est pas récent. Déjà au XVIe siècle, des gravures permettaient de garder une trace des grands procès. Les vignettes représentaient généralement les accusés contrits, dans une posture de repentance. L’objectif était d’informer le peuple, dont une partie encore analphabète, pour montrer les châtiments terribles en cas de crime. Aujourd’hui, les dessinateurs, en tant que journalistes titulaires de la carte de presse, se doivent d’être les plus objectifs possible. Pour cela, Benoît Peyrucq a fait le choix d’en savoir le moins possible « pour ne pas être influencé » et se baser uniquement sur ce qu’il voit. « J’aime demander à la dernière minute qui est le personnage le plus important », révèle-t-il malicieusement.
Nouveau dessin de @BenoitPeyrucq paru dans cet article de @rtlinfo montrant Nezar Mickaël Pastor Alwatik, un des 13 accusés.
— L'Aqueduc Bleu (@LAqueducBleu) September 29, 2020
Attentats de janvier 2015: l'accusé indisposé négatif au Covid, le procès reprend - RTL Info https://t.co/AKaWkit2bD via @rtlinfo #AttentatsJanvier2015 pic.twitter.com/ApgzTvVm7g
« J’ai mis deux mois pour me remettre de mon premier procès »
Ne pas trop se renseigner sur les procès, c’est aussi une manière de se protéger des histoires dont il devient le témoin. « Le premier procès que j’ai couvert était sur le tueur en série Guy Georges. J’ai dû mettre deux mois à m’en remettre tellement le personnage était glaçant. Depuis, il a fallu que je me protège. C’est n’est pas de l’indifférence mais c’est obligatoire si on veut faire ce métier », se confie le dessinateur qui a couvert de nombreux procès dont l’affaire Fourniret, Mohamed Merah et désormais les attentats de 2015.
Depuis une vingtaine d’années, Benoît Peyrucq arpente les tribunaux à la demande de l’AFP ou à sa propre initiative. Son statut particulier lui permet d’avoir un accès privilégié à la salle. « J’adore aller chercher des choses insolites. Je dessine même pendant les pauses pour attraper d’autres moments que personne ne peut voir. » Il n’a cependant pas le droit de déambuler comme bon lui semble. C’est au président de la séance de définir où les dessinateurs se placent. « Quand le président vous connaît et sait que vous ne faites pas de bruit, il accepte qu’on se déplace. Pendant l’affaire Merah, j’ai eu l’autorisation d’aller derrière le box de l’accusé par exemple. » Cependant, tous ne sont pas toujours aussi tolérants.
Aujourd’hui, ce sont surtout les masques qui dérangent l’artiste. « Ils prennent les trois quarts du visage. Mais ils font partie intégrante du procès, alors il faut faire avec. » Ce sont donc des hommes et des femmes masqués que l’on découvre sur ses croquis. Publiés au compte-goutte chaque jour dans les médias, ils seront peut-être disponibles à termes dans un roman graphique.