Amélie Nothomb : "Je n'aime pas ce qu'on a fait de la communication"

Amélie Nothomb : "Je n'aime pas ce qu'on a fait de la communication"

Rencontre avec l'auteure Amélie Nothomb qui nous raconte sa vision de la communication, son rapport avec les lecteurs et sa gestion de la notoriété. (Clique sur la photo ☝️ pour voir la vidéo)

Si je vous dis « communication », à quoi pensez-vous ?

A tort ou à raison, je n’aime pas le mot « communication ». Quand j’étais petite, je trouvais que c’était un mot magnifique. Mais désormais, la communication est devenue la « com’ » et cette « com’ » me paraît être quelque chose d’assez barbare : un ensemble de prestations que l’on fait dans le but de vendre quelque chose. Je fais de la communication quand j’accepte de rencontrer un journaliste dont la demande a été sélectionnée par les attachés de presse des éditions Albin Michel. J’accepte beaucoup de choses, mais pas tout !

Nous nous trouvons dans votre bureau chez Albin Michel, quelles sont vos missions ici ?

Je viens quotidiennement pour répondre à mon courrier. Du courrier papier, je précise, car les ordinateurs, Internet et les réseaux sociaux me sont totalement inconnus. Répondre à mes lecteurs n’est pas de la com’ pour moi. C’est un véritable échange qui a lieu sous le sceau du secret. C’est quelque chose de très beau, de sacré. J’ai une relation anormalement intense avec mes lecteurs. Je ne connais pas d’autres exemples, du moins aujourd’hui, d’écrivains connus qui répondent à 95 % de leur courrier papier. La première chose que je retiens de mes correspondances, c’est qu’il y a quelqu’un de l’autre côté du papier. Chaque nouvelle enveloppe est une nouvelle énigme, avec des nouveaux mystères et une nouvelle aventure humaine. Il y en a évidemment qui vont plus loin que d’autres. C’est comme dans toutes rencontres humaines, elles ne s’équivalent pas toutes.

Vous arrivent-il de trouver de l’inspiration dans vos lettres ?

Votre question est symptomatique : pendant les dix premières années de mon succès, on a dit que je répondais à mon courrier par marketing, même si d’un point de vue chiffré ça ne tient pas la route. Quand les gens ont commencé à se rendre compte que c’était vraiment très bête, ils ont changé de théorie : désormais, je réponds à mon courrier car je cherche des idées de romans. Ma correspondance est un acte désintéressé. Pourquoi je réponds à mon courrier ? Parce que je reçois des lettres et que je ne peux pas faire autrement que d’y répondre parce que je suis émue, polie et toutes les raisons de la terre. Maintenant, s’il peut arriver, mais de façon vraiment subsidiaire et faut-il le dire de façon rarissime, que telle circonstance m’inspire quelque chose, pourquoi pas ? Mais jamais de façon à ce que qui que ce soit se sente trahi. Je considère que ce qu’on m’écrit est un secret et que ce secret ne doit, en aucun cas, être dévoilé.

« Quand j’étais petite, je trouvais que c’était un mot magnifique. Mais désormais, la communication est devenue la « com’ » et cette « com’ » me paraît être quelque chose d’assez barbare. »
Amélie Nothomb

On dit que vous vous créez un personnage en portant en public des chapeaux. Est-ce une stratégie de votre part ?

Je fais attention à mon image comme n’importe qui. Là aussi, parmi les légendes qui sont nées, on a dit qu’Amélie Nothomb se crée un personnage. Pas plus que vous quand vous vous habillez ! S’habiller, c’est de toutes façons choisir un aspect, choisir une histoire. Reconnaissez que la mienne, si vous me regardez aujourd’hui et vous m’avez vue hier dans la rue, est parfaitement quelconque. Les jours où comme tout le monde j’ai envie de faire un petit effort, je vais choisir des vêtements qui me plaisent. Je ne vais pas m’en lamenter mais c’est un effet de la notoriété, que tout est interprété en termes de marketing. Je pense qu’on peut aussi un peu réfléchir et voir que je suis exactement comme tout le monde avec peut-être des goûts un peu différents. Tout le monde a des goûts un peu différents.

Comment gérez-vous la notoriété ?

Quand j’ai su que je serai publiée par la maison Albin Michel en 1992, ça a été pour moi une telle surprise, une tellement bonne nouvelle, que je me suis dit : « Écoute ma vieille, c’est tellement ce que tu voulais que tu décides que ça va très bien se passer. Même s’il y a des choses qui seront plus difficiles ou qui ne te conviendront pas, n’oublie jamais que tu l’as voulu et que tu as décidé de vivre ça du bon côté. » Je m’en suis tenue à cette décision. A la base, je suis quelqu’un d’extrêmement timide et de très mal dans sa peau. Je n’aime pas qu’on me prenne en photo et il est vrai que je ne m’attendais pas à être prise à ce point en photo. Mais je l’ai accepté. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des jours où je maudis mon destin quand j’ai à faire à un journaliste vraiment idiot ou malveillant. Et puis je me souviens que mon métier précédent consistait à nettoyer des toilettes au japon. Et ça, ça marche radicalement !

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