Mali : le coronavirus au second plan

Mali : le coronavirus au second plan

Depuis deux semaines, le Mali est touché par l’épidémie du coronavirus et il doit faire face au manque de moyens et de prise de conscience de la population face à la gravité de la situation.

« L’Etat n’arrive pas à mettre des moyens conséquents pour faire face à cette pandémie et les mesures prises sont vraiment insuffisantes », explique Malick Konaté, journaliste à l’AFP, que nous avons contacté par téléphone. Depuis deux semaines, le reporter observe l’épidémie du coronavirus gagner le Mali et ses 20 millions d’habitants. Le gouvernement tient un point presse chaque matin pour faire état de la situation dans le pays, mais les chiffres officiels semblent bien loin de la réalité quand on connaît la pauvreté du pays et notamment la vétusté des infrastructures.

« Nous manquons cruellement de moyens matériels et humains pour faire face à cette pandémie. On parle de 10 respirateurs au Mali, de 10 000 tests. Quand on appelle les numéros verts, on a souvent des difficultés pour avoir des renseignements, même si on a des cas vraiment très suspects. Même au niveau des hôpitaux, les agents de santé se plaignent de ne pas avoir assez de masques. »
Malick Konaté, journaliste-reporter à l'AFP

Les mesures appliquées au Mali pour lutter contre le Covid-19

Le gouvernement malien tente toutefois de maintenir l’activité du pays malgré le scénario catastrophe auquel il pourrait être confronté dans les jours à venir. Le confinement de la population n’est pas encore de rigueur et serait compliqué à mettre en place voire quasiment impossible : dans les bidonvilles, par exemple, les habitants vivent, mangent et dorment dans une très grande promiscuité.

« Une, deux ou trois semaines chez toi sans sortir ou se balader, c’est comme en prison. Je considère le confinement comme une prison forcée. C'est pourquoi nous devons vraiment respecter les mesures barrières pour éradiquer ce fléau hors de nos frontières. »
Malick Konaté, journaliste-reporter à l'AFP

Le 26 mars, le Président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a annoncé la fermeture terrestre et aérienne de ses frontières. Il a également mis en place un couvre-feu nocturne, de 21h à 5h du matin et il a demandé à ce que tous les employés des services publics travaillent de 7h30 à 14h sans pause. Mais depuis la mise en place de ce dispositif, certains ne prennent pas en compte ces interdits. « Hier encore, j’ai un ami qui a quitté la Guinée pour rentrer au Mali », confie Malick. Il faut dire que la communication des autorités n’est pas très claire auprès de la population qui était appelée à voter aux élections législatives le dimanche 29 mars malgré les risques de contamination. Les Maliens ont préféré les boycotter.

« On a vu à Bamako 10% de taux de participation. Dans les différentes régions, c'est la même chose. Pour ceux qui ont eu le courage d’y aller, c’était l’occasion pour l’État de les canaliser, de les sensibiliser. Nous avons malheureusement constaté que les agents de santé étaient absents dans tous les bureaux de vote. »
Malick Konaté, journaliste-reporter à l'AFP

Coronavirus : les difficultés pour sensibiliser les populations

Le Mali est confronté depuis 2012 à des insurrections djihadistes et à des violences intercommunautaires avec des milliers de mort chaque année. Cela a un impact sur les élections. « Par exemple au sud, c’est la menace du coronavirus, au centre et dans le nord, c’est la menace djihadiste, c’est l’insécurité », détaille Malick. Le peuple est toujours en mouvement dans le pays pour fuir l’ennemi. Dans ce contexte très instable, les Maliens ont du mal à se rendre compte de la gravité du coronavirus. « C’est ça le problème, d’autres refusent même de reconnaître que cette pandémie existe vraiment », nous explique le reporter de l’AFP. Comme lui, les médias sont devenus les porte-paroles des autorités sanitaires.

« Depuis qu’on a appris que le virus se propageait dans le monde, on a pris des dispositions pour sensibiliser davantage la population. On va sur le terrain pour récolter des informations, on partage les chiffres officiels et on essaie d’alerter les gens pour qu’ils respectent les mesures. »
Malick Konaté, journaliste-reporter à l'AFP

Cette sensibilisation ne doit pas s’arrêter aux frontières du Mali, ni même de l’Afrique. L’Occident doit rapidement faire preuve de solidarité pour aider le continent africain à combattre l’épidémie et participer au soutien de son économie, tant d’un point de vue matériel que financier. Selon l’ONU, 3 000 milliards de dollars seraient nécessaires. Sans ces actions, la maladie pourrait refaire surface.

« Plus il y aura de malades et plus le risque de mutation du virus est grand. Dès lors, tous les investissements faits sur un vaccin seront perdus et la maladie reviendra du Sud vers le Nord.  »
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU
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