Marie de Brauer : "Gros n'est pas un gros mot"
Selon l'OMS, l’obésité touche plus de 650 millions de personnes dans le monde. En Afrique, c'est synonyme de fécondité. Mais en Occident, être gros est un sujet tabou, quitte à ne jamais prononcer le mot. Témoignage de Marie de Brauer, journaliste et auteure du documentaire "La grosse vide de Marie", sur France TV Slash. (Clique sur la photo ☝️ pour voir la vidéo)

Parler de son poids quand on est gros, c'est compliqué ?
C’est vrai que communiquer sur mon poids, dire seulement le chiffre, j'ai mis très longtemps à le faire. Je le dis au tout début du documentaire "La grosse vie de Marie". J'ai dû faire tout un travail sur moi parce que ma famille allait le savoir. Mais finalement, on s'en fout : c'est juste un chiffre qui ne veut pas dire grand-chose. En règle générale, parler de sa morphologie, de son poids avec ses proches, ça peut très vite de venir un sujet un peu tabou.
Le mot "gros", c'est un mot à bannir ?
C'est un mot assez peu utilisé car on a peur qu'il soit mal vécu. Il y a tout un vocabulaire qui s'est créé autour pour éviter de l'employer : une femme ronde, être un peu enrobé, être un peu dodu, être gourmand... Mais "gros" n'est pas un gros mot ! Pour vous, c'est peut-être quelque chose de très insultant. Pour moi, c'est juste ce à quoi je ressemble. C'est une forme de militantisme, de se réapproprier le terme qui est un simple adjectif. Mais chacun son histoire autour de son poids. C'est vrai que ça a été plus facile pour moi parce que je n'ai pas été harcelée à l'école par exemple.
Les réseaux sociaux aident-ils à libérer la parole ?
Je pense que les réseaux sociaux sont à la fois géniaux et à la fois pire que tout. Personnellement, voir des femmes différentes, des corps avec des défauts m'a aidée à prendre conscience qu'il existe plein de personnes qui me ressemblent. Après la diffusion de mon documentaire, j'ai eu des messages de jeunes femmes, d'adolescentes, qui se sentent mieux désormais dans leur corps. C'est génial !
Que penses-tu du body positive ?
J'ai quelques réserves. C'est super de montrer des gens différents mais le mouvement a été trop repris par les marques qui se sont dites "body positives" alors qu'en réalité elles ne proposent pas des pantalons au-dessus de la taille 42. Tu ne peux pas afficher des mannequins un tout petit peu plus rondes et dire que tu es "ouvert" alors qu'en réalité ton produit n'est pas accessible à tout le monde et surtout pas aux personnes grosses.
Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer les mentalités ?
C'est plein de petites choses. Ça passe évidemment par la communication sur les réseaux sociaux. Par exemple, on sait qu'Instagram censure beaucoup la nudité des femmes mais aussi la nudité des personnes grosses. Or, ce sont ces comptes qui militent pour plus de visibilité qui se retrouvent cachés. De votre côté, essayez de comprendre ce que vivent les personnes grosses et quand vous entendez des propos grossophobes autour de vous, dites que ce n'est pas normal. C'est par petits pas qu'on va y arriver !