Musique : "les marques sont les mécènes modernes des artistes"

Musique : "les marques sont les mécènes modernes des artistes"

Chanel et Angèle, Just Eat et Snoop Dog. De nombreuses marques font appel à des artistes dans le cadre de leur stratégie de communication. Une relation gagnant-gagnant selon Alex Jaffray et Domitille Mahieux, à la tête de l’agence sonore Start-Rec. (voir la vidéo en cliquant sur la photo ☝️)

Pourquoi les marques font-elles appel à des artistes dans leur communication ?

Domitille Mahieux. L'intérêt la musique dans la publicité, c'est de susciter de l'émotion. La musique va permettre "d'attraper" les gens pour qu'ils soient plus réceptifs aux messages publicitaires. Ca les attendrit et les met en position d'écoute. Si la publicité fait appel à un artiste, le public peut aussi se retrouver derrière la musique parce qu'il aime bien le chanteur en question. Les marques créent ainsi de l'engagement et s'achètent une caution culturelle.

Alex Jaffray. Un autre aspect, c'est une meilleure mémorisation du message publicitaire grâce à la musique. Il y a toujours eu ce côté ritournelle, ce petit truc qu'on chantonne et qu'on ramène chez soi. Il faut imaginer qu'avant, la musique n'était pas enregistrée et il fallait s'en souvenir pour la transmettre. C'est une époque qui est beaucoup plus longue que celle où on peut aller chercher n'importe quel morceau sur un disque ou Spotify.

Pourquoi les artistes disent acceptent ce type de collaboration ?

D.M. En acceptant un contrat avec une marque, les artistes s'achètent le fait de pouvoir, pendant un an, être tranquilles pour travailler sur leurs projets musicaux. Aujourd'hui, sans avoir de synchro publicitaire, c'est très dur de pouvoir lancer un projet sans avoir de très gros appuis. Au final, les artistes vont avoir de plus en plus besoin de la publicité.

Cette collaboration marque/artiste ne risque-t-elle pas de donner une mauvaise image à l'artiste ?

A.J. Il y a toujours le spectre un peu de la marque qui va venir appuyer sur les touches de piano du musicien. C'est comme si elle passait la main derrière la guitare de M pour jouer, à sa place, des accords un peu différents. Je trouve ça toujours un peu étrange d’être obligé d’enlever cette idée : une marque, c’est comme un mécène, ce n'est pas sale, ce n'est pas vulgaire.

D.M. On revient à une forme de mécénat comme à l'époque où les auteurs classiques étaient financés par des grandes familles. Bach ne vivait pas autrement qu'en donnant des cours de musique. Les marques comme Vuitton ou Apple sont les mécènes modernes des artistes.

La relation entre les marques et les artistes se limitent-elles seulement à la publicité ?

A.J. C'est vrai qu'une marque suffisament puissante et riche peut se permettre d'acheter des artistes comme Pharrel Williams ou les Rolling Stones pour la sortie d'un projet, mais il ne faut pas que l'association entre les deux soit uniquement sur le plan financier, ce ne serait pas légitime.

D.M. Il faut que la marque s'engage réellement auprès des artistes si elle veut que sa stratégie ne soit pas considérée comme opportuniste et pour qu'elle fédère une communauté autour d'elle et de l'artiste. C'est par exemple le cas de Heineken avec la Green Room ou encore de Red Bull qui ont lancé de gros partenariats musicaux.

A.J. Avec la création d'un festival, par exemple, les marques peuvent montrer un engagement de qualité sur plusieurs années avec un véritable line-up qui permet de se dire : "Tiens, au festival de la Fnac ou des Inrocks, on va trouver tel type d'artistes." Ca veut dire qu'éditorialement, on est assez pointu et on répond à une demande spécifique pour créer finalement quelque chose de vertueux sur l'engagement, la légitimité et l'implication des marques.

Suivez les hashtags associés à cet article
#P'HUSH UP
#Musique