Qui sont les colleurs de pubs dans le métro ?
Petites mains de l’ombre, les colleurs de publicité s’activent chaque jour dans les couloirs du métro parisien pour habiller les murs d’affiches colorées. Reportage dans les coulisses de ce métier peu connu.
Regarder un homme coller une pub dans le métro, ça a quelque chose de fascinant. A sa place, on s’imagine de la colle plein les doigts (et les cheveux aussi), les panneaux de papier déchirés à plusieurs endroits et collés de travers. Une vraie œuvre d’art ! A contrario, les afficheurs de pub dans le métro, ils ont la classe. En quelques minutes, ils collent un panneau 4 x 3 m avec des gestes précis, en raccordant bien chaque morceau et sans mettre une goutte par terre (ou presque, faut pas exagérer !). Comment ils font, sérieux ? On a regardé sur les annuaires de formations et il n’existe aucune école pour ça. On voit rarement des annonces pour un poste de colleur de pub vacant. Feraient-ils partie d’une secte secrète ?
Colleur de pub, un métier 100 % masculin
C’est vrai que le métier de colleur de pub n’est pas hyper répandu. Ils sont seulement une centaine dans le métro parisien à s’occuper des 30 000 faces à coller sous terre. Et ce sont tous des hommes, en plus ! « Il y a quelques temps, il y avait une femme colleuse dans les gares, mais c’était la seule. C’est un métier très masculin et aussi très familial. Chez les afficheurs, on retrouve souvent des pères et leurs fils, des neveux et oncles, des cousins, etc. », constate Alexandra Lafay, directrice déléguée de la régie publicitaire Médiatransports en charge des publicités pour la RATP notamment. La prise de poste se fait souvent par le bouche-à-oreille.
Pour ce qui est de la formation, tout se passe en interne. « Au début, j’ai suivi un afficheur pendant un mois. Il m’a appris à encoller, à poser et à respecter les règles », se souvient Didier, colleur de pub depuis 13 ans, « un jeunot dans le métier ». Cet apprentissage express n’est pas suffisant pour être véritablement opérationnel. Il a plutôt fallu près de 6 mois à notre ex-cuisinier pour coller ses pubs sans défaut, selon lui.
30 000 faces publicitaires dans le métro parisien
Didier a quitté son ancienne activité « par manque de motivation ». Il est arrivé chez Médiatransports « un peu par hasard ». Il y retrouve le même plaisir du travail manuel, « qui change tous les jours » et surtout assez solitaire. « C’est agréable aussi ! ». Notre colleur de pub n’est pas bavard. Il répond à nos questions par des phrases courtes et se concentre plutôt sur la tâche à accomplir. Il ne boude toutefois pas quelques rapports humains. « Tous les matins, un petit garçon passe devant moi. Il a pris l’habitude de me voir dans les couloirs et il vient me dire bonjour désormais », raconte-t-il, un tendre sourire se devinant sous le masque. Après ces courtes confidences, Didier est de nouveau reparti avec sa musette pleine d’affiches (« jusqu’à 30 kg quand elle est pleine ») à l’épaule et son seau de colle qu’il traîne derrière lui sur des roulettes. Il déambule dans les couloirs de la station Montparnasse comme s’il était chez lui.
En amont (« vers 6h/6h30 »), il a annoté chaque publicité d’un chiffre correspondant au cadre qui recevra la publicité pour savoir où aller. Hors de question de se tromper d’emplacement. La stratégie de diffusion de chaque campagne publicitaire a été validée en amont par les clients. « On commercialise des sortes de packages, des réseaux, suivant les besoins de l’annonceur. On peut proposer un ensemble de faces dans plusieurs stations en fonction de la cible visée ou encore déployer un dispositif qu’on appelle « massif », c’est-à-dire disposer plusieurs affiches à la suite dans un même couloir », explique Alexandra Lafay. Rien n’est dû au hasard. Le client, qui peut débourser entre quelques milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros, entend bien que l’opération se passe comme prévue. Didier doit alors bien respecter chaque emplacement : à chaque espace publicitaire son numéro, un peu comme pour les tables dans la restauration !
« Mon métier ? Je travaille dans la pub ! »
A force de coller des affiches, on se dit que Didier doit avoir une sacrée culture publicitaire. Est-ce qu’il y a des affiches qui l’ont marqué ? « Je n’ai pas vraiment de regard là-dessus. Je fais juste mon métier. C’est sûr que quand il y a des paysages de montagne ou de mer, c’est plus agréable. Ça donne de la couleur dans le métro. » D’autres s’amusent plutôt de leur lien avec le secteur de la communication. « Quand on me demandait ce que je faisais, je répondais que je travaillais dans la pub », ironise Grégory, ancien afficheur devenu contremaître.