Racisme : "Dans la mode, il y a des quotas"
Tandis que la société est secouée par les manifestations anti-racistes, le monde de la mode est lui aussi touché. Hanna Lhoumeau témoigne sur son parcours de jeune mannequin métisse à Paris. (clique sur la photo ☝️ pour voir la vidéo)
« Il peut être difficile d'être un employé noir chez Vogue », a reconnu Anna Wintour, la papesse de la mode, dans une lettre adressée le 4 juin à ses collaborateurs du magazine, selon Page Six. Depuis la mort de l’américain George Floyd, de nombreux militants se mobilisent autour du mouvement Black Lives Matter pour lutter contre le racisme. L’univers de la mode est également touché par cette ségrégation raciale. Hanna Lhoumeau, mannequin métisse, doit faire face depuis le début de sa carrière à des quotas et des remarques raciales. Combattive, elle tente à sa mesure de faire bouger les lignes pour plus de diversité.

As-tu été victime du racisme dans la mode ?
Ca m'est arrivé d'avoir des réflexions comme "il faudrait attacher ou lisser tes cheveux". En réalité, il y a une méconnaissance des différentes origines des mannequins. Par exemple, je suis toujours prise pour représenter la femme métisse et noire alors que je suis dominicaine haïtienne et mon père est français (donc métisse). Nous avons des caractéristiques notamment au niveau des cheveux et de la peau qui sont totalement différentes. Ce n'est pas du tout l'image que je me faisais de la mode. Je suis originaire de Bordeaux, où j'ai été victime du racisme à l'école. A l'époque, j'avais l'image de Paris et de la mode comme étant un monde qui représente la diversité, où personne n'était raciste. Mais ce n'est pas la réalité.
Comment faire se faire une place en tant que mannequin métisse ?
Je connais beaucoup de mannequins métisses, noires ou asiatiques mais j'ai l'impression que ce sont souvent les mêmes qui bossent. Par exemple, on a un quota dans la mode. J'ai shooté une fois avec une autre métisse ou une noire, une seule fois dans toute ma carrière ! Sinon, j'ai toujours été la seule métisse ou noire. J'ai commencé à vraiment bosser quand je me suis mise à avoir des followers sur Instagram. Il y a d'autres métisses à Paris qui sont beaucoup plus jolies et performantes. Elles travaillent rarement parce qu'elles n'ont pas forcément de followers sur Instagram. On ne va jamais prendre une mannequin fraîche qui vient juste d'arriver alors qu'elle peut dire tellement plus de choses.
Penses-tu que l’affaire George Floyd va faire évoluer les choses ?
Oui, parce que la mode s'inspire beaucoup des réseaux sociaux et comme on en parle partout en ce moment, je pense que ça va peut-être changer quelque chose. Quoi qu'il en soit, depuis que j'ai commencé le mannequinat, ça a vraiment évolué. C'est important et en plus tellement plus vendeur ! Mais il reste quand même un manque de représentation des cultures et quelques remarques qui, parfois, sont un peu déplacées.
Quelles sont tes actions contre le racisme ?
Depuis 2 ans, j'essaie de sensibiliser les autres aux inégalités raciales et sociales sur mon compte Instagram. C’est un sujet qui me tient à cœur parce que depuis toute petite, j’ai été sujette à des remarques. Aujourd’hui encore, il y a cette espèce de barrière invisible, que ce soit dans la mode ou dans la vie de tous les jours, qu’on accepte mine de rien. C'est un sujet délicat et ça se remarque dans les commentaires des internautes : il y a ceux qui sont choqués d’apprendre ce que nous pouvons vivre, ceux qui pensent que mes posts attisent la haine et ceux qui me soutiennent parce qu’ils en sont aussi victimes. Il faut y aller pas à pas pour éviter que la vérité soit vue comme une agression.